lundi 15 mai 2017

Expo Picasso Primitif



Confrontant de manière thématique des œuvres d’artistes non occidentaux à celles du grand maître de la peinture moderne, l’expo Picasso Primitif décortique de façon troublante la fascination du peintre pour les arts « primitifs » : ceux d’Afrique, d’Océanie, d’Amérique et d’Asie.


L’on savait que Picasso était un fervent collectionneur d’art primitif et qu’il fut constamment influencé, voire « possédé » par la forte vision sauvage et mystique émanant de multiples masques, fétiches, statuettes ou objets primitifs, souvent à forte symbolique sexuelle. Egalement, ses contemporains Gauguin, Matisse, Vlaminck et Derain ressentaient une passion pour les arts « primitifs ». D’ailleurs ce dernier lui fit découvrir les masques Fang (Gabon) ainsi que le fameux musée d’Ethnographie du Trocadéro. 

Villers André © ADAGP, Paris / Photo © RMN-Grand Palais (musée Picasso de Paris) / Droits réservés - © Succession Picasso
Sculpture Nevimbumbaau dans l'atelier de La Californie, Cannes.
© RMN-Grand Palais (musée Picasso de Paris) / Franck Raux - © Succession Picasso /
 © Estate Brassaï - RMN-Grand Palais 

Mais c’est sans doute Picasso qui porta l’art non occidental au firmament de la peinture moderne par son parcours pictural si particulier s’étalant sur près de sept décennies. Très bien conçue, l’expo du musée du quai Branly s’ouvre sur une enquête chronologique (de 1900 à 1974) rassemblant un nombre considérable de documents : photos, témoignages, lettres, objets issus des collections personnelles de Picasso… Puis une seconde partie intitulée « Corps à corps » introduit le visiteur en plein cœur de ce dialogue muet (mais ô combien éloquent !) entre œuvres primitives anonymes et celles du peintre espagnol. Fidèle à ses conceptions avant-gardistes, l’auteur inspiré des « Demoiselles d’Avignon » - tableau figurant d’ailleurs dans l’expo - pulvérise la hiérarchie entre les arts, multipliant à l’envi supports (peinture, sculpture) et matériaux (plâtre, terre cuite, fil, carton...)

© RMN-Grand Palais (musée Picasso de Paris) / René-Gabriel Ojéda - © Succession Picasso 
Pablo Picasso, Grande Nature morte au guéridon, 1931. 

Provenant du pays Dogon, de Papouasie-Nouvelle-Guinée, du Nigéria, des lointaines Vanuatu ou d’ailleurs, toutes ces représentations proposent donc au visiteur de jeter un regard nouveau sur l’acte créatif même du peintre, touchant ainsi au plus près ses influences et ses propres vibrations d’où l’intérêt majeur de cette expo au propos somme toute simple mais passionnant. A la fois brutale et raffinée, chaque œuvre de Picasso nous invite à la comparer à la puissante matérialité des autres oeuvres collectées aux quatre coins du monde. Ainsi un peu comme dans un subtil jeu de cubes, le visiteur pourra en distinguer les points communs et aussi les différences.

Sculpture en bronze La femme en robe longue face à l'huile sur toile L'Aubade dans l'atelier des Grands 

Et sans doute le « Picasso primitif » n’est jamais aussi présent que quand il multiplie à l’infini sa vision toute subjective du corps - et de chacune de ses parties (œil, bouche, sexe) -, puissante dualité confondant ainsi, de sa manière si originale et personnelle, nature humaine et animalité. Au final, l’expo nous présente ce génial choc du face à face, cet étonnant dialogue primitiviste dans lequel se dégage toute la force pulsionnelle et magique de l’œuvre de l’Espagnol.  Plus que tout autre peintre du XXe siècle, Picasso aura cherché à exprimer de la manière la plus vive le mystère du monde, comme le firent tout aussi génialement bien avant lui les Caravage, Vermeer ou autres Velazquez !

Mark Shaw (1929-1969) Pablo Picasso dans sa villa La Californie, avec le top modèle Bettina Graziani, photographiés en 1955 pour le magazine LIFE

Expo Picasso Primitif
Musée du quai Branly
37, quai Branly
Paris 7e
horaires : tous les jours (sauf lundi) : 11 h-19 h, nocturne jeudi, vendredi et samedi jusqu’à 21 h

jusqu’au 23 juillet 2017

Photomontage de Jean Harold envoyé à Picasso par Jean Cocteau
 et légendé, au dos : par « Picasso – Période nègre





















































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