lundi 20 mars 2017

Fixeur



Abordant des thèmes actuels comme la manipulation des médias et l’exploitation de jeunes Roumaines dans les réseaux de prostitution, Fixeur d’Adrian Sitaru est un film dérangeant, questionnant la fragilité du système de valeurs des professionnels de la communication.


Depuis son premier long métrage [Picnic (2008)], Adrian Sitaru privilégie les sujets impertinents sans pour autant céder aux sirènes du voyeurisme et de la bonne conscience. Son avant-dernier film Illégitime (2016) évoquait un inceste et l’avortement. Fixeur, lui, explore le mode de fonctionnement de reporters dans leur enquête et particulièrement leur façon de chercher à tout prix « l’info ». 

Fixeur

A l’occasion du rapatriement de France de deux mineures prostituées roumaines, un journaliste (Radu Patru) est engagé comme fixeur dans l’équipe d’une chaîne de télévision française. (Souvent interprète, le fixeur est une personne employée par un journaliste pour lui faciliter les démarches et le travail dans une région dangereuse.) Le long métrage décortique donc les techniques d’approche de cette équipe de journalistes sillonnant toute la Roumanie et cherchant par tous les moyens d’obtenir une interview de l’une des deux jeunes prostituées (Anca), tout en multipliant la recherche de témoignages de sa famille. Subtilement, Sitaru nous avertit des nombreux risques de manipulation (intermédiaires véreux, représentants de la police et de la justice, fragilité psychologique des victimes) suscités par le développement des médias.

Fixeur

Cependant, même s’il expose les pièges et les limites de la profession journalistique, Sitaru n’impose pas de vision manichéenne. Dans Fixeur, il nous montre aussi la capacité de ces journalistes de se remettre en question, en particulier à travers le personnage de Radu Patru, interprété par Tudor Aaron Istodor, l’acteur fétiche de Sitaru. Si le traitement par Sitaru du thème de la manipulation s’avère intéressante, en revanche la partie du film sur le lien de Radu Patru avec son environnement familial passe un peu comme un cheveu sur la soupe.

Fixeur

Certes, l’on cerne bien l’obstination du fixeur à faire de son fils un champion/dominant à travers d’innombrables compétitions de natation, mais c’est un peu léger et anecdotique. Et l’on n’apprendra finalement pas grand-chose de cette famille apparemment privilégiée. En fait, le film retient surtout l’attention par sa capacité à suggérer toute l’ambiguïté de la condition des professionnels du marketing événementiel et de la communication planétaire, qui souvent exploitent les malheurs d’autrui tout en s’abritant derrière les  habits vertueux  de l’information neutre et compassionnelle.

durée : 1 h 40

Fixeur, un film d’Adrian Sitaru, Roumanie/France, 2016
Avec Tudor Aaron Istodor, Mehdi Nebbou, Nicolas Wanczycki, Diana Spatarescu, Adrian Titieni

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire