lundi 30 mars 2015

Appels en absence



photo Nicolas Simonin - Appels en absence - Le Lucernaire

Satire de la place de l’humain dans un monde hyper connecté, Appels en absence tourne en dérision les excès de la communication version « téléphone cellulaire ». Puisant dans l’univers grinçant et loufoque de la pièce de Sarah Ruhl, dramaturge américaine, Emily Wilson propose une mise en scène accrocheuse et originale au Lucernaire.
Surfant entre comédie psychologique surréaliste et climat de science-fiction aux velléités réalistes, Appels en absence balade le spectateur durant une heure et demie dans une savoureuse « histoire de communication(s) » à dormir debout : une femme (Jean) est assise dans un café. Un téléphone portable n’arrête pas de sonner à la table de côté. Quand son propriétaire (Gordon) ne répond pas, elle se rend compte qu’il vient de mourir. Jean décide alors de garder Gordon en vie en répondant au téléphone à sa place, et part à la rencontre de ses proches…

photo Nicolas Simonin - Appels en absence - Le Lucernaire

D’emblée, la pièce de Sarah Ruhl a un goût certain d’ironie mordante et de théâtre de l’absurde. Alléchante sur le papier (la singularité de l’histoire), quelque inquiétude vis-à-vis de sa modernité affichée et de son traitement théâtral pourrait rendre certains dubitatifs ! Heureusement, la surprise se profile véritablement au rendez-vous avec un texte subtil, drôle et très bien écrit en osmose avec une inventive mise en scène, fidèle au climat fantasque et déconcertant de l’auteure. Et l’on suit avec amusement le parcours de cette jeune femme (Joy) animée par ce désir irrépressible de rencontrer les proches (famille, amis, collègues) du mort et qui - par curiosité, jeu et altruisme - va prolonger indéfiniment la vie technologique cellulaire de ce pauvre Gordon. Personnage emblématique de la pièce, traînant derrière lui une réputation de soufre [trafiquant d’organes et personnage mal embouché] ce « mort » d’ailleurs va se révéler fort vivant, renaissant au cours du spectacle de façon surprenante sous une forme  déjantée.

 photo Nicolas Simonin -Appels en absence - Le Lucernaire

De nombreuses trouvailles scéniques, une approche intéressante des lumières et de l’espace sonore et surtout le jeu brillant des comédiens - tout en ingénuité face aux situations délirantes auxquelles ils sont confrontés - concourent à la réussite d’un spectacle sans doute plus suggestif que burlesque. Appels en absence met en exergue le rapport trop intimiste que nous entretenons avec la technologie, et semble vouloir dénoncer - certes avec beaucoup d’humour - ce besoin enfantin de « tout dire » érigé (parfois) par la société en religion universelle. Comédie rafraîchissante centrée sur un objet rarement traité au théâtre (le téléphone portable), Appels en absence interpelle de façon singulière et amusante sur les nouvelles donnes de la communication.

durée : 1 h 30

Appels en absence de Sarah Ruhl
Mise en scène : Emily Wilson
Avec Nathalie Baunaure (Jean), Fiamma Bennett (l’autre femme, l’étrangère) ; Yves Buchin (Dwight, le frère de Gordon), Dorli Lamar (Mme Gottlieb, la mère de Gordon), Audrey Lamarque - en alternance avec Bernadette Appert - (Hermia, la femme de Gordon)

Le Lucernaire
53, rue Notre-Dame-des-Champs
Paris 6e
du mardi au samedi à 19 h, le dimanche à 15 h

jusqu’au 9 mai 2015

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire