lundi 19 décembre 2011

2011 : l'année Kate Bush (50 Words For Snow + Director's cut)


 


Avec 50 Words For Snow, juste quelques mois après Director’s Cut, Kate Bush sort un 10e disque studio. L’opus, qui compte 7 titres et dure près d’une heure, a pour thème conceptuel la neige et ses sortilèges.


La chanteuse anglaise, fidèle à elle-même, nous entraîne avec ces nouvelles compositions de glace dans un voyage onirique, idéalement situé entre féerique saga nordique et poésie traditionnelle anglo-saxonne. (La neige est souvent présente dans la discographie de Kate Bush, de « December will be magic again » à « King of the Mountain »…) Pour les compositions 50 Words For Snow se rapproche d’Aerial (2005), disque qui signalait le grand retour médiatique de la Babooshka post Red Shoes, mais en diffère par des sons plus neufs, volontiers orientés vers le jazz et la musique expérimentale. Avec ses contes étranges et ses sonorités expressionnistes, Kate Bush nous invite sur 50 Words For Snow, de sa voix feutrée et sensuelle, à son nouveau trip hivernal et pianistique.


Cet opus procure parfois une impression mitigée. Le langoureux « Snowed In At Wheeler Street » - avec son jazz lent hyperclassique -  offre une déambulation cosmopolite assez prévisible, et les parties vocales de Bush jointes à celles d’Elton John ne laissent guère un souvenir impérissable. Quant à l’énumération par l’acteur Stephen Fry, sur fond de free-jazz, des 50 mots de la neige dans « 50 Words For Snow », elle paraît terriblement lassante. « Among Angels » - chanson sur les anges  moins prenante que le « Lily » de Red Shoes ! – semble également bien tiède : trop alangui (la voix) et trop suranné (l’orchestration).



 Enfin, « Wild Man » - avec son tempo bossa-nova, ses chœurs bowiens et les parties de guitare étoffées de Dan Mckintosh - offre une agréable halte dans un disque qui reste néanmoins complexe, beau et glacial. Par sa fluidité musicale et son détachement ironique, le titre rappelle « Army Dreamers » sur Never for Ever. Flottant entre jazz soft et musique romantique, le somnambulesque « Snowflake », laissant la part belle  aux parties vocales de Bush et d’Albert Mckintosh (son fils), offre un climat  proche du titre « A Coral Room » sur Aerial. « Lake Tahoe », autre conte baroque, prolonge ce voyage aux relents de châteaux d’Andersen, avec chœurs éphémères et  sinueuses touches pianistiques. « Misty » poursuit dans la même veine art rock, avec ses échos feutrés de batterie et ses circonvolutions guitaristiques.
Propice à la poésie, avec des textes marquants et une instrumentation subtile, comme à l’accoutumée,  50 Words For Snow possède un gros capital de séduction. Néanmoins, sa  musicalité paraît un peu superficielle sur certains titres.



Kate Bush, 50 Words For Snow, Fish People, UK (2011)





Six ans après son double opus Aerial (2005), salué par la critique musicale après une absence discographique de 12 ans, Kate Bush  sort  sur son propre label Director’s Cut, un  CD de11 titres.
C’est un opus qui propose de nouvelles versions tirées des disques The Sensual World (1989) et The Red Shoes (1993), deux bons crus, souvent moins connus que The Kick Inside (1978) ou The Dreaming (1982) par le grand public. « Pour moi, c’est un nouvel album à part entière. Cela fait maintenant plusieurs années que j’avais envie de revisiter les chansons de The Sensual World et The Red Shoes », confiait cet été à Mojo Magazine la bushwoman. Curieux CD que ce  Director’s cut ! Un cheminement atavique  post Hounds of love (1985) et avant Aerial comme si Bush ne pouvait quelque part sortir du trip littéraire de  The Sensual World ou de celui, très cinématographique, de The Red Shoes.  D’ailleurs, tout, à l’écoute de Director’s cut, nous ramène à ces deux oeuvres : les   musiciens patentés de Kate Bush, les mêmes discrètes contributions de  la pop cosmopolite (Eric Clapton, Nigel Kennedy, Gary Brooker), les chœurs somptueux de l’irremplaçable Trio Bulgarka (« Song of Solomon », « Never be mine ») et bien sûr  le chant de  Bush, tour à tour mélodique, sobre, perçant. (Bush officie également aux claviers.) En outre, dans le livret, chaque titre [excepté « Rubberband girl »] est illustré d’un photomontage animalier, bien dans cette sarcastique tradition anglaise de raffinements oniriques.



 Director’s cut, le titre du CD, et  la première photo du livret, font allusion au montage final (cut) d’un film, servant ainsi de métaphore à une grande aventure de   travail d’arrangements musicaux. Généralement, les morceaux sont plus longs que les versions originales, avec une instrumentation réduite. Par ses cisaillements de fiddle et ses brumes de cornemuse,  « Flower of the mountain », ex-« The Sensual World » -, nous fait replonger sur un tempo plus lent dans le poétique univers celtique. Et Ulysse, le texte du roman de Joyce, figure dorénavant dans la chanson – Kate Bush en ayant acquis les droits. Les arrangements orchestraux - ceux du regretté Michael Kamen - qui figuraient sur The Sensual World et The Red Shoes  semblent désormais  lointains.   Le chant et le piano prédominent sur certains titres (« This woman’s work » « Moments of pleasure »), offrant au nouvel opus  un climat  sobre entre chien et loup, rappelant parfois   l’ambiance feutrée d’Aerial. Mais Director’s cut  reste un disque très éclectique, qui permet de redécouvrir différemment tous ces morceaux. « Lily », chanson fantasque sur les anges,  s’envole avec une rythmique beaucoup plus groove que celle de la version originale. Quant à « Top of the city », aux parties vocales gouailleuses, il dégage au niveau de l’orchestration le même parfum, un peu  kitch et savamment désordonné, qui imprégnait The Red Shoes. Le superbe « Never be mine », plus feutré, garde la même intensité que sur The Sensual World. Quant à « Deeper understanding »,  il offre d’amusantes sonorités : plus space, plus techno - la voix vocodée de l’ordinateur sur le refrain se mêle astucieusement aux touches somnambulesques des claviers. Le thème de l’ironique clip vidéo de « Deeper understanding », réalisé par   Bush,  surfe entre un habile  mélange de  spirituel et de vie déshumanisée, le tout sur  fond  de solitude larvée, de progression informatique et d’éclatement familial.


 La nouvelle version de « Rubberband girl » constitue peut-être la plus grosse surprise : très rock’n’roll, sans fioritures vocales, avec une rythmique prenante, et des volutes d’harmonica un peu southern rock.  En revanche, « Red Shoes », et son folk aussi désuet qu’alambiqué, sonne toujours aussi patchwork.   Et la voix de Bush y paraît  un peu forcée. « And so is love », comme dans la version originale, semble également bien terne. Certains pourront regretter  le choix  de ces titres au détriment de « Love and anger », « Constellation of the heart », « The fog» ou encore « Rocket’s tail », nettement plus originaux.
 Avec Director’s cutKate Bush nous refait sa bonne cuisine du terroir, saupoudrant juste de quelques nouveaux  ingrédients ses mets délicats. Et elle le fait fort intelligemment, nous proposant comme à son habitude un produit de grande qualité.

Kate BushDirector’s cut, Fish people, UK, 2011




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